Mesurer le taux d’accès ouvert des publications scientifiques : le cas de la France
Juin 2020
Résumé
Cette étude compare des estimations du taux d’accès ouvert (OA) des publications françaises et identifie les sources de résultats différents : disparités de repérage des publications en OA selon les sources utilisées, types d’accès ouvert analysés, types de publications retenues. Elle souligne aussi l’importance des disparités de pratiques entre disciplines. En conséquence, l’étude présente un indicateur d’accès ouvert normalisé à un niveau fin qui permet de comparer des institutions ou pays sans biais dû à la composition disciplinaire de leurs publications. Elle compare le taux d’accès ouvert brut et le taux normalisé pour les 20 premiers pays producteurs, ainsi que pour les établissements d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) français. Les indicateurs sont calculés sur différentes périodes entre 2000 et 2018.
Les comparaisons entre pays montrent que si le taux d’OA brut et le taux normalisé sont corrélés, les niveaux des indicateurs comme l’écart entre les deux indicateurs varient sensiblement. Un groupe de pays est au dessus de 25 % de la moyenne mondiale pour les deux indicateurs : les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Suède, la Suisse et la Pologne. Un autre groupe est entre moins 10 % et plus 10 % de la moyenne mondiale pour les deux indicateurs : les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie, la Corée du sud, la France et l’Australie. Les comparaisons entre institutions en France illustrent aussi l’importance de normaliser le taux d’accès ouvert. La majorité des publications des établissements de recherche universitaire ont des indicateurs d’accès ouvert compris entre moins 10 % et plus 10 % de la moyenne mondiale. Pour l’ensemble des institutions de l’ESR français, le taux d’accès ouvert brut est relativement plus favorable que le taux normalisé. Quelques établissements ont néanmoins des taux normalisés beaucoup plus favorables que leurs taux bruts.
Introduction
Dans un contexte où différentes politiques publiques cherchent à promouvoir la science ouverte, la mesure des évolutions dans ce domaine fait l’objet de nombreuses contributions. En France, le « Plan national pour la science ouverte », lancé en juillet 2018, comporte trois axes : généraliser l’accès ouvert aux publications scientifiques (Open Access – OA), généraliser l’accès aux données de la recherche et mettre en place une politique scientifique du libre accès permettant d’inscrire la France dans une dynamique durable, européenne et internationale. Le plan a annoncé un objectif de 100 % de la production scientifique française en accès ouvert. Ainsi, en France comme dans d’autres pays, la mesure des évolutions du taux des publications scientifiques en accès ouvert est-elle importante pour suivre la progression vers les objectifs de politique publique.
Certains centres spécialisés dans la production d’indicateurs scientométriques intègrent désormais des indicateurs d’OA par institution dans leurs analyses. Le classement des universités de Leiden1 fournit ainsi depuis 2019 des indicateurs par institution en fonction du taux des publications en accès ouvert et par type d’OA. Cependant, le fait de ne pas tenir compte des spécificités disciplinaires et de la spécialisation des institutions biaise les comparaisons des taux de publications en accès ouvert. Les pratiques de publication varient en effet considérablement selon les disciplines, y compris la propension à publier en accès ouvert.
Cette étude compare différents calculs de taux d’accès ouvert des publications et identifie les sources de résultats différents dans le cas de la France. Elle se concentre ensuite sur la correction du biais disciplinaire en proposant un indicateur normalisé qui est calculé pour différents pays et différents types d’institutions françaises.
La première partie propose une analyse rapide des disparités de repérage des publications en OA selon les sources utilisées et les types d’accès ouvert. La deuxième partie compare différentes estimations du taux de publication en OA pour la France et identifie les choix méthodologiques qui influencent les résultats obtenus. La troisième partie présente un indicateur d’accès ouvert normalisé par spécialité disciplinaire qui permet de comparer différentes institutions ou pays sans biais dû à la composition disciplinaire de leurs publications. Enfin, la quatrième partie compare d’une part le taux d’accès ouvert et d’autre part l’indicateur normalisé pour les 20 premiers pays producteurs, ainsi que pour les établissements de recherche français.
L’analyse montre que la mesure des publications en accès ouvert dépend de nombreux paramètres. En conséquence, les résultats peuvent varier considérablement d’une étude à une autre en fonction des choix de sources de données et des périmètres retenus. Elle montre également une grande disparité des pratiques de publication en accès ouvert selon les disciplines. L’indicateur normalisé proposé permet de corriger des spécificités disciplinaires des acteurs étudiés et permet des comparaisons plus fiables.
OST (2020), Mesurer le taux d’accès ouvert des publications scientifiques : le cas de la France, Points OST, 2020.01, Hcéres, Paris