Études du Comité de suivi de l’édition scientifique
Placé sous la double tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche (MESRI) et de l’Innovation et du ministère de la Culture, le Comité de suivi de l’édition scientifique a en charge le suivi et l’évaluation du plan de soutien qui doit favoriser le maintien et l’adaptation au numérique d’une édition de revues scientifiques françaises de qualité, dynamiques et compétitives.
Deux dispositifs ont été choisis : la coordination des politiques d’achat nationales de revues (extension des groupements de commandes pluriannuels au profit des établissements d’enseignement supérieur et des organismes de recherche) et le soutien à des plateformes de diffusion et aux revues, moyennant la modernisation et la normalisation de leurs services et des engagements en faveur d’un élargissement de l’accès ouvert. Ce plan a été mis en place à la suite de la promulgation, en octobre 2016, de la loi pour une République numérique qui autorise les chercheurs à déposer leurs articles sous forme numérique dans une archive ouverte, à l’expiration d’un délai courant à compter de la date de la première publication (six mois pour une publication dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et douze mois dans celui des sciences humaines et sociales), en lien avec l’objectif européen de diffusion des articles scientifiques en accès ouvert d’ici 2020.
Le comité a également pour mission de mener des études et d’établir un bilan (article 33 de la loi pour une République numérique), mesurant comment chacun des acteurs (auteurs, revues, agrégateurs, institutions d’enseignement supérieur et de recherche, bibliothèques et lecteurs) adapte ses pratiques aux évolutions en cours, et de formuler des recommandations.
Dans ce cadre, quatre études viennent d’être rendues publiques. Deux portent sur les plateformes de diffusion des revues scientifiques, la troisième sur l’économie des revues en SHS et la quatrième sur la disponibilité en libre accès des articles des revues de sciences humaines et sociales :
- Analyse comparative de neuf plateformes de diffusion de revues scientifiques françaises ;
- Analyse comparative de huit plateformes étrangères de diffusion de revues scientifiques ;
- Étude sur l’économie des revues françaises en sciences humaines et sociales (SHS) ;
- La diffusion sur Hal, Academia et ResearchGate des articles de recherche des revues françaises de SHS – Rapport final.
Une analyse comparative de neuf plateformes de diffusion de revues scientifiques françaises
Cinq plateformes privées (CAIRN, EDP Sciences, Elsevier Masson, John Libbey Eurotext et Lavoisier) et quatre plateformes publiques (CEDRAM, Episciences, OpenEdition Journals et Persée) ont fait l’objet d’une analyse comparative.
Il s’agit d’une étude quantitative, qualitative et prospective concernant l’économie et l’organisation éditoriale des plateformes et agrégateurs de revues scientifiques françaises.
Sont examinés : les chiffres-clés de chacune dans la première partie du rapport ; leurs perspectives de développement, leurs points de vue sur le financement du libre accès, les mutualisations entre acteurs de l’édition scientifique dans la deuxième ; l’avenir de l’édition scientifique en langue française dans la troisième partie.
Parmi les constats :
- une activité « revues » plus ou moins importante selon les acteurs qu’ils soient publics ou privés ;
- la diffusion numérique de revues actives [1]On entend ici par revues actives (ou « vivantes »), des revues qui publient régulièrement de nouveaux articles et numéros. progresse nettement sur 5 ans ;
- le développement des plateformes dans trois axes : éditorial, technologique, économique ;
- la fragilité économique d’acteurs de petite taille face aux grands groupes d’édition internationaux ;
- des rentabilités variables selon les disciplines ;
- la demande d’accompagnement de la transition vers le libre accès – en donnant une visibilité pluriannuelle des budgets, et vers l’anglais – en finançant la traduction d’articles français en anglais et l’indexation des articles scientifiques dans les grandes bases internationales.
Une analyse comparative de huit plateformes étrangères de diffusion de revues scientifiques
Le panel est composé de huit plateformes, trois acteurs commerciaux (EBSCO, ProQuest, Cambridge University Press) et cinq acteurs publics ou à but non lucratif (JSTOR, Project MUSE, Érudit, SciELO, Open Library of Humanities).
L’étude a deux objectifs : décrire leurs principales caractéristiques et enrichir l’étude des plateformes et agrégateurs de revues scientifiques françaises par une analyse du potentiel concurrentiel et des complémentarités de ces plateformes et agrégateurs étrangers.
Parmi les constats :
- une grande diversité de modèles d’affaires, d’offres de services et de contenus ;
- une adaptation aux changements – politiques, juridiques, technologiques et organisationnels – par une innovation technologique et commerciale pour faire face aux défis de la science ouverte, et la mise en place de stratégies de marketing pour développer leurs chiffres d’affaires, leurs activités et leurs clientèles ;
- une trop grande différence actuellement de contenus pour qu’une plateforme étrangère puisse se substituer à une plateforme française publique ou privée, mais cela peut représenter un intérêt pour développer l’audience à l’international.
Une étude sur l’économie des revues de sciences humaines et sociales (SHS)
L’étude sur l’économie des revues en sciences humaines et sociales s’est déroulée en deux temps : une pré-enquête conduite début 2018 par le ministère de la Culture (phase 1) ; et une étude approfondie, confiée après appel d’offres à IDATE DigiWorld, conduite entre juin et octobre 2019 (phase 2).
L’objectif principal de l’étude est à la fois de rendre compte de la diversité des modèles, des coûts et des évolutions économiques récentes des revues académiques françaises de sciences humaines et sociales, et de chercher à dresser, le cas échéant, une typologie des modèles économiques des revues.
Parmi les constats :
- une forte hétérogénéité des situations – nature du détenteur de la revue, celle de son éditeur, son ancienneté, sa/ses discipline(s) principale(s) ;
- sur le plan économique :
- le peu de visibilité d’une majorité de responsables de revues sur les coûts complets – et parfois même sur les recettes – liés à leur activité ;
- des coûts humains qui restent masqués et sous-estimés. Une partie importante des coûts liés au secrétariat de rédaction et d’édition ne sont pas pris en compte dans le calcul des coûts de la revue ;
- un manque de visibilité budgétaire pluriannuelle ;
- deux modèles d’affaires dominants pour les revues numériques ;
- des économies fragiles toujours fortement dépendantes des recettes d’abonnement papier ;
- des points de vue contrastés sur l’Open Access, reflétant également une compréhension approximative du sujet et de ses enjeux. L’enquête montre que l’accès ouvert intégral ne peut être véritablement envisagé que pour des revues uniquement numériques fortement soutenues par un laboratoire ou une université ;
- des interrogations autour de la pérennité à terme des revues dans un monde ouvert ;
- le numérique est largement plébiscité, au moins en termes d’usage ;
- la diffusion mixte (papier et numérique) devrait continuer à dominer
- un manque manifeste de formalisme juridique. Plus de la moitié des revues ne signent pas ou presque jamais de contrats avec les contributeurs ;
- une réaffirmation unanime du rôle essentiel des revues scientifiques et de l’évaluation par les pairs.
L’équipe Dicen IdF a proposé d’établir des indicateurs mesurant la disponibilité en libre accès des articles des revues de sciences humaines et sociales de droit français. L’étude a porté sur 368 revues, choisies par les membres du Comité de suivi de l’édition scientifique : 66 revues en économie-gestion ; 55 en géographie ; 148 en histoire ; 86 en littérature ; 13 en sciences de l’environnement. La période choisie pour le travail d’établissement des indicateurs de présence en ligne des articles de ces revues a été 2010-2017, étendue à 2010-2018 lorsqu’il a été possible d’actualiser en 2019 les données avec les articles parus en 2018.
Parmi les constats pour les dépôts dans Hal :
- Les notices et les textes intégraux déposés sur la période 2010-2018
- des dépôts de textes intégraux moins nombreux que les dépôts de notices soit un peu moins de 23% des dépôts -un peu moins de 15 000 dépôts dans Hal dont moins de 3 500 textes intégraux, alors qu’on a environ 70 000 articles sur la période 2010-2018 dans les revues du corpus ;
- variation des taux de dépôts d’article selon les disciplines – d’un peu moins de 3% pour la littérature et l’histoire à près de10% pour la géographie en passant par environ 5% et 6% respectivement pour l’environnement et pour l’économie-gestion ;
- le ratio dépôts de textes intégraux/dépôts de notices tourne le plus souvent autour d’1/3. Au cours de la dernière décennie, les chercheurs et les personnels des services tiers en charge des dépôts ont eu davantage tendance à déposer les métadonnées des articles que les textes intégraux de ces derniers ;
- Les taux de dépôt discipline par discipline
- la faiblesse des dépôts en libre accès ;
- la grande disparité entre les disciplines et entre les revues d’une même discipline;
- Les déposants
- environ 38% des dépôts, notices et textes intégraux confondus, sont effectués par l’auteur ou l’un des co-auteurs de l’article. Ce pourcentage augmente de façon significative puisqu’il atteint 54% du sous-corpus pour le dépôt du texte intégral ;
- L’évolution des dépôts sur la période 2010-2018
- disparition de la progression linéaire, constatée pour le nombre de dépôts par an pour chaque discipline, lorsqu’on rapporte ce nombre de dépôts au stock d’articles publiés dans les revues étudiées et disponibles chaque année ;
- L’évolution du taux de dépôt des articles parus dans l’année
- élévation nette des taux de dépôt dans l’année, lors des trois dernières années, par rapport à ceux des années précédentes dans toutes les disciplines ;
- Le délai de dépôt en archive ouverte des articles dans Hal et la barrière mobile
- accélération de la vitesse de dépôt, sur la période récente, qui a pour conséquence que les dépôts sont de plus en plus effectués avant la levée de la barrière mobile sur la version éditeur de l’article.
Parmi les constats pour les dépôts dans Hal, Academia et ResearchGate [2]Le corpus de travail pour les analyses concernant les réseaux sociaux académiques se restreint au sous-corpus CAIRN+OpenEdition (166 revues). Le sous-corpus CAIRN+OpenEdition représente environ 52 000 articles parus de 2010 à 2018.
- Academia semble présenter plus de textes intégraux que Hal pour 4 des 5 disciplines du corpus : environnement, géographie, histoire et littérature. Seule l’éco-gestion fait exception.C’est pour l’histoire que la différence est la plus marquée, avec plus de deux fois plus de dépôts sur Academia que sur Hal. Pour la littérature, la géographie et les sciences de l’environnement, ces taux sont plus proches de 1,5.
Les pouvoirs publics et l’édition scientifique en France : rapport de Jean-Yves Mérindol
Un rapport sur l’édition scientifique française a été publié parallèlement aux autres études menées pour le compte du Comité de suivi de l’édition scientifique.
Celui-là a été commandé à Jean-Yves Mérindol par Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Elle lui a confié « une mission de réflexion sur la façon de favoriser le dialogue entre acteurs publics de la recherche et éditeurs publics et privés français, afin d’établir dans un cadre à définir un échange régulier et collaboratif, susceptible d’aider au renforcement de l’édition scientifique, privée et publique, au niveau national, pour répondre aux nouveaux enjeux de la science ouverte, tant pour les revues que pour les ouvrages de recherche »(extrait de la lettre de mission du 11 juillet 2019).
Le rapport « L’avenir de l’édition scientifique en France et la science ouverte – Comment favoriser le dialogue ? Comment organiser la consultation ? » présente dans une première partie une analyse historique des évolutions liées au numérique dans les domaines de l’édition scientifique, en France et dans le monde. Dans la seconde partie, Jean-Yves Mérindol émet deux recommandations « pour renforcer l’édition scientifique, condition importante de la vitalité de la recherche, et pour assurer, de façon durable, un dialogue de qualité entre acteurs » : définir un plan pluriannuel de soutien à l’édition scientifique et créer un conseil de l’édition scientifique.
Voici quelques points qui pourraient figurer dans les priorités du plan de soutien :
- soutenir la bibliodiversité dans le monde de l’édition scientifique ;
- s’appuyer sur une vision du rapport entre édition et francophonie ;
- l’édition en sciences humaines et sociales doit être un axe majeur ;
- tenir compte des approches différentes suivant les disciplines ;
- prendre en compte l’évolution vers la science ouverte, et de ses impacts sur les éditeurs et les établissements ;
- comporter des objectifs autour des relations science-société (c’est l’une des ambitions de la science ouverte), ce qui passe par un développement des actions de culture scientifique.
Le conseil aurait un double objectif :
- accompagner la définition et la mise en œuvre d’un plan de soutien ;
- se saisir, sans formalisme particulier, de questions autour de l’édition scientifique, et mener les concertations nécessaires pour proposer – si possible – un consensus ou un compromis ou pour identifier avec précision les points de désaccord.
Ces recommandations rejoignent en grande partie celles contenues dans le rapport du Comité de suivi de l’édition scientifique et reprennent certaines missions du comité.
References