Des nouvelles revues pour plus d’accès ouvert
La revue en accès libre, Quantitative Science Studies (QSS), est créée en janvier 2019. Elle est la conséquence directe de la démission du comité éditorial de la revue Journal of Informetrics (JOI), un titre majeur dans le domaine de l’infométrie. Cette décision est prise à la suite du rejet par l’éditeur Elsevier des demandes du comité de faire évoluer le modèle de la revue JOI vers plus d’ouverture. Le désaccord porte sur trois points : la propriété de la revue, le montant des frais de publication et la participation à l’Initiative for OpenCitation (I4OC) [1]L’Initiative for Open Citations I4OC est une collaboration entre les éditeurs, les chercheurs et tous les acteurs intéressés pour promouvoir la disponibilité sans restriction des données sur les citations des publications scientifiques.. La nouvelle revue QSS, propriété de l’International Society for Scientometrics and Informetrics, est en accès libre, suit les Fair Open Access Principles et son comité éditorial est composé des membres démissionnaires du JOI. Elle est publiée par les Presses du MIT et bénéficie pour sa mise en place d’un soutien financier des bibliothèques du MIT ; la Technische Informationsbibliothek (TIB) – Leibniz Information Centre for Science and Technology prendra en charge les frais de publication pendant trois ans, ces frais étant moindres que ceux pratiqués par Elsevier.
Ce n’est pas le premier cas où une mésentente profonde entre un éditeur et un comité éditorial pousse celui-ci à créer une nouvelle revue.
Fin juin 2017, les quatre rédacteurs en chef du Journal of Algebraic Combinatorics informent Springer qu’ils ne renouvellent pas leur contrat. Presque tous les membres du comité de rédaction démissionnent également pour former le comité de rédaction d’une nouvelle revue, Algebraic Combinatorics. La nouvelle revue est aidée dans sa transition par l’organisation Mathematics in Open Access (MathOA). Elle obéit également aux Fair Open Access Principles.
En octobre 2015, l’ensemble de la rédaction du journal scientifique Lingua, spécialisé dans la recherche linguistique, démissionne, en réaction au refus d’Elsevier de se tourner vers un modèle en accès libre. Les comités de rédaction et scientifique du journal créent en 2016 leur propre publication, concurrente et gratuite, Glossa. Ils sont soutenus dans leur action par plusieurs associations dont COAR, ARL et SPARC. Leurs exigences sont en lien avec la pétition, « Support Fair Open Access in Linguistics », lancée par Linguistics in Open Access (LingOA) créée en 2015. Celle-ci est une initiative de linguistes néerlandais visant à rendre l’accessibilité des résultats, dans leur discipline, indépendante des éditeurs commerciaux. Dans ce but, elle héberge des revues en linguistiques qui sont actuellement au nombre de quatre.
Quatre revendications sont exprimées dans la pétition :
- le titre de la revue revient au comité éditorial ou à la société savante ;
- l’éditeur ne doit pas, pour la même revue, demander à la fois des frais pour publier et percevoir des revenus des abonnements (phénomène appelé « double peine ») ;
- le droit d’auteur est conservé par l’auteur et une licence CC-BY est appliquée ;
- les frais demandés pour publier (APC) sont faibles, transparents et proportionnels aux services rendus par l’éditeur.
Elles sont proches de celles exprimées par la suite dans Fair Open Access Principles qu’ont adoptés les deux premières revues :
- la structure de propriété de la revue est transparente, et elle est contrôlée par la communauté savante et sensible à ses besoins ;
- les auteurs des articles de la revue conservent les droits d’auteur ;
- tous les articles sont publiés en libre accès et une licence explicite de libre accès est utilisée ;
- la soumission et la publication ne sont en aucun cas subordonnées au paiement de frais par l’auteur ou l’institution qui l’emploie, ou à l’adhésion à une institution ou à une société ;
- les frais versés aux éditeurs pour le compte de la revue sont faibles, transparents et proportionnels au travail effectué.
La Fair Open Access Alliance, fondée en 2017, est à l’origine de ces principes. C’est une organisation néerlandaise, à but non lucratif. LingOA et MathOA, déjà cités, comptent parmi ses membres ainsi que PsyOA et Open Library of Humanities. Tous ont comme objectif de faciliter la conversion de revues au libre accès.
On peut rapprocher ces créations des revues alternatives recommandées en 2002 par l’Initiative de Budapest pour l’Accès Ouvert : « les savants ont besoin des moyens pour lancer une nouvelle génération de revues alternatives engagées dans le libre accès et pour aider les revues existantes qui choisissent d’opérer la transition vers l’accès libre. Puisque les articles de revues devraient être diffusés aussi largement que possible, ces nouveaux périodiques n’invoqueront plus le droit d’auteur pour restreindre l’accès et l’utilisation du matériel qu’ils publient. Puisque le prix constitue un obstacle à l’accès, ces nouvelles revues ne factureront pas l’abonnement ou l’accès, et se tourneront vers d’autres méthodes pour couvrir leurs frais. » La stratégie complémentaire est l’auto-archivage.
Il existe aussi une convergence de vues avec le Plan national pour la science ouverte : « D’une façon générale, la communauté scientifique doit reprendre le contrôle du système éditorial, dans l’esprit de l’Appel de Jussieu pour la science ouverte et la bibliodiversité. Elle doit faire converger ses efforts vers les acteurs vertueux qui développent un environnement éditorial moins concentré, obéissant aux principes d’un accès ouvert et éthique, notamment en termes de transparence, de gouvernance et de propriété intellectuelle. »
D’autres comités se sont rebellés contre les éditeurs et ont créé des revues concurrentes. Le premier cas remonte à 1989 : il s’agit de Vegetatio, devenu Plant Ecology, et la nouvelle revue Journal of Vegetation Science.
Tous ces cas de figure sont répertoriés sur la page « Journal declarations of independence ».
References