Déclaration pour le partage et l’ouverture des données de la recherche pour le développement durable
Cette déclaration émane des participants du colloque « Science Ouverte au Sud : enjeux et perspectives pour une nouvelle dynamique » organisé à Dakar du 23-25 octobre 2019 par des organisations africaines et européennes [1]https://opensciencesud.sciencesconf.org/. Acteurs et professionnels de l’information scientifique et des données de la recherche, représentants d’institutions de la recherche et du développement, ces participants souhaitent s’appuyer sur les principes de science ouverte pour mettre la recherche au service des objectifs de développement durable et s’organiser en conséquence à l’échelle de l’Afrique subsaharienne francophone
1. Mettre la recherche au service des objectifs du développement durable grâce à la science ouverte
Les participants considèrent que :
- Les enjeux de développement durable demandent des engagements fondamentaux pour la planète et pour les sociétés. Ces enjeux sont particulièrement manifestes pour les sociétés et territoires d’Afrique subsaharienne.
- Le mouvement de la science ouverte est une opportunité pour renforcer la conduite des travaux de recherche et pour mieux contribuer à l’atteinte des Objectifs du Développement Durable (ODD).
- Les principes de la science ouverte sont à mettre en œuvre pour accentuer le libre accès aux publications scientifiques et aux données de la recherche.
a. Concernant les publications, les efforts sont déjà affirmés depuis une dizaine d’années mais doivent se poursuivre. Il faut renforcer les initiatives africaines, en conformité notamment avec l’Appel de Dakar (CODESRIA, 2016) ou les guides UNESCO sur l’accès ouvert (UNESCO, 2013).
b. Les efforts à entreprendre doivent désormais aussi concerner le partage et l’ouverture des données de la recherche qui sont actuellement très fragmentaires et dispersés.
La mise à disposition des résultats de la recherche, publications académiques et données, documentées, accessibles et interopérables, est une condition sine qua non à l’avancée des connaissances et à l’élaboration de services d’aide à la décision pour répondre aux enjeux des ODD.
2. Objectifs
Les participants définissent les préalables, les objectifs et principes partagés suivants :
Préalables : renforcer la connectivité et les services sur les données
La mise en œuvre de la science ouverte doit reposer sur deux préalables :
1. Le développement et le renforcement des infrastructures de données (réseaux d’observation, de télécommunication, équipement de stockage, de traitement/calcul) qui pourront assurer d’une part une connectivité suffisante pour la circulation et la diffusion des données, et d’autre part leur traitement, stockage et préservation sur un long terme.
2. Le développement des compétences dans la collecte, la gestion, la valorisation et la réutilisation des données.
Principes de bonne gestion des données
Les participants s’entendent sur le besoin de diffuser et de mettre en œuvre les principes de bonne gestion des données. Ils s’appuieront notamment sur les bonnes pratiques suivantes :
- S’assurer que les données soient progressivement mises en conformité avec les principes “FAIR”, c’est-à-dire soient (F) Faciles à trouver, (A) Accessibles, (I) Interopérables, (R) Réutilisables ;
- Que les projets se dotent de plan de gestion de données (PGD) ;
- Que les données soient déposées et préservées dans des entrepôts de données durables et maîtrisés par les institutions africaines ;
- Que soient pris en compte les aspects juridiques et éthiques afin de mieux définir les conditions de partage
Principes de valorisation des données et implication des acteurs du partage
Le partage, voire l’ouverture des données, est une opportunité pour accélérer l’innovation et développer de nouveaux services à valeur ajoutée pour l’atteinte des objectifs du développement durable :
- Le but de toute création de valeur à partir de données collectées localement devrait prendre en compte les intérêts des populations concernées et répondre à leurs aspirations au bien-être ;
- L’analyse et la valorisation des données devraient associer autant que possible des acteurs locaux, y compris dans une démarche de transfert de compétences et de renforcement de capacités ;
- Les contributions de tous les acteurs de la collecte, la gestion et du partage des données devraient être reconnues à travers la citation et la prise en compte de ces contributions dans les systèmes d’évaluation de la recherche.
Principes de gouvernance des données
Les données de la recherche constituent une richesse dont le partage, voire l’ouverture, doit être maîtrisée entièrement par les acteurs de la recherche dans de réelles conditions de souveraineté. La mise en place d’une gouvernance des données est nécessaire pour le contrôle des conditions de diffusion et de valorisation de nos données. Cela concerne en particulier :
- les bonnes pratiques, qui doivent être définies au sein des communautés disciplinaires et doivent s’articuler avec les politiques institutionnelles, nationales, régionales et internationales portant sur les conditions de diffusion et de valorisation des données ; elles passent notamment par la mise en place de conventions adaptées dans le cadre de projets multipartenariaux ;
- l’organisation et les décisions de la gouvernance qui doivent êtres prises au bon niveau, celui du chercheur, de son établissement ou de l’État, selon les enjeux des données concernées.
3. S’organiser en réseau
Pour promouvoir la mise en place de bonnes pratiques de gestion des données de la recherche et les politiques associées, en particulier en Afrique francophone subsaharienne, nous créons et souhaitons animer un réseau régional d’acteurs qui aura pour objectif de porter une vision commune.
Les actions prioritaires du réseau seront de :
- Sensibiliser au partage et à l’ouverture des données dans l’ensemble des communautés disciplinaires et thématiques en tenant compte des spécificités de chacune, en mettant l’accent sur les pratiques de gestion des données et en y incluant les acteurs de l’information, des spécialistes du droit des données et de la valorisation ;
- Former, Appuyer, Conseiller les partenaires de la recherche vers la mise en œuvre d’une gestion transparente des données ;
- Soutenir la mise en réseau des acteurs de la recherche en Afrique subsaharienne francophone afin de mutualiser les savoir-faire, les expériences, les moyens et les compétences ; et en s’articulant avec les autres régions, initiatives et réseaux panafricains et internationaux ;
- Ce réseau de la science ouverte en Afrique subsaharienne francophone veillera à développer des liens avec les autres régions, initiatives et réseaux panafricains et internationaux, notamment anglophones ;
- Interagir avec les tutelles institutionnelles des établissements d’enseignement et de recherche d’Afrique subsaharienne francophone pour faire émerger des politiques adaptées et permettre la mise en place des moyens nécessaires à la bonne gouvernance des données.
Les participants au Colloque Science Ouverte au Sud affirment leur volonté d’accompagner, la création et l’animation du réseau en mutualisant leurs forces et compétences autour de la gestion et du partage des données de la recherche.
Dakar, Sénégal le 25 octobre 2019.
4. Définitions
Science ouverte (OCDE, 2015): “La science ouverte englobe l’accès sans entrave aux articles scientifiques, l’accès aux données de la recherche publique et la recherche collaborative rendue possible par les outils et les incitations des TIC. L’élargissement de l’accès aux publications et aux données scientifiques est au cœur de la science ouverte, de sorte que les résultats de la recherche soient entre les mains du plus grand nombre possible et que les avantages potentiels soient répartis aussi largement que possible :
La science ouverte: favorise (1) une vérification plus précise des résultats scientifiques. En combinant les outils de la science et des technologies de l’information, la recherche et la découverte scientifiques peuvent être accélérées au profit de la société. La science ouverte (2) réduit le double emploi dans la collecte, la création, le transfert et la réutilisation du matériel scientifique. La science ouverte augmente la productivité à une époque où les budgets sont serrés. La science ouverte (3) offre un grand potentiel d’innovation et élargit le choix des consommateurs en matière de recherche publique. La science ouverte favorise la confiance des citoyens dans la science. Une plus grande participation des citoyens mène à une participation active aux expériences scientifiques et à la collecte de données.” (traduction de l’anglais : https://www.oecd.org/science/inno/open-science.htm)
Données de la recherche (OCDE, 2006): “Dans le cadre de ces Principes et Lignes directrices, les « données de la recherche » sont définies comme des enregistrements factuels (chiffres, textes, images et sons), qui sont utilisés comme sources principales pour la recherche scientifique et sont généralement reconnus par la communauté scientifique comme nécessaires pour valider des résultats de recherche. Un ensemble de données de recherche constitue une représentation systématique et partielle du sujet faisant l’objet de la recherche.
Ce terme ne s’applique pas aux éléments suivants : carnets de laboratoire, analyses préliminaires et projets de documents scientifiques, programmes de travaux futurs, examens par les pairs, communications personnelles avec des collègues et objets matériels (par exemple, les échantillons de laboratoire, les souches bactériennes et les animaux de laboratoire tels que les souris). L’accès à tous ces produits ou résultats de la recherche est régi par d’autres considérations que celles abordées ici.”
Données ouvertes : selon la Banque Mondiale (Banque Mondiale, 2019) : Les données sont considérées «ouvertes» si chacun peut les utiliser, les réutiliser et les redistribuer librement, gratuitement, à quelque fin que ce soit et sans restrictions. […]. Une donnée ouverte doit être réutilisable, c’est-à-dire téléchargeable dans un format ouvert et lisible par les logiciels, et les utilisateurs doivent être légalement autorisés à la réutiliser.
selon l’OLF (Office de la langue française, 2013) : “Données brutes non nominatives et libres de droits, produites ou recueillies par un organisme public ou privé, qui sont accessibles aux
citoyens par Internet. Les données ouvertes sont livrées idéalement dans un format ouvert (non propriétaire) qui en facilite la réutilisation […]. “
Entrepôt de données : plateforme/portail de données; système informatique permettant la collecte, le stockage/l’intégration, la gestion et la diffusion/partage de données.
Principes FAIR (GO FAIR, 2019)
- Facile à trouver : « La première étape pour (ré)utiliser les données est de les trouver. Les métadonnées et les données devraient être faciles à trouver pour les personnes et les ordinateurs. Les métadonnées lisibles par les machines sont essentielles pour la découverte automatique des ensembles de données et des services, c’est donc une composante essentielle du processus de FAIRification. »
- Accessible : « Une fois que l’utilisateur a trouvé les données requises, il doit savoir comment y accéder, y compris éventuellement l’authentification et l’autorisation. »
- Interopérable : Les données doivent généralement être intégrées à d’autres données. En outre, les données doivent être interopérables avec des applications ou des workflows pour l’analyse, le stockage et le traitement.
- Réutilisable : « Le but ultime des principes FAIR est d’optimiser la réutilisation des données. Pour ce faire, les métadonnées et les données doivent être bien décrites afin qu’elles puissent être reproduites et/ou combinées dans différents contextes. » (traduit de l’anglais : https://www.go-fair.org/fair-principles/ )
Les 15 principes FAIR sont décrits dans Wilkinson et al., 2016, Dzale, 2016.
5. Documents de référence
- Banque Mondiale, 2019: Les Données Ouvertes en 60 secondes. http://opendatatoolkit.worldbank.org/fr/open-data-in-60-seconds.html
- CODESRIA, 2016: Appel de Dakar. https://www.codesria.org/spip.php?article2595&lang=en
- Dzale, Esther, 2016: Les principes FAIR . Cahiers des Techniques de l’INRA. https://www6.inra.fr/cahier_des_techniques/content/download/5106/51886/version/5/f
ile/CTh2018bis_Art1_DZA-4.pdf - OCDE, 2015 : Open science, https://www.oecd.org/science/inno/open-science.htm
- OCDE, 2006: Principes et lignes directrices de l’OCDE pour l’accès aux données de la recherche financée sur fonds publics. http://www.oecd.org/fr/sti/sci-tech/38500823.pdf
- Office de la langue française, 2013 : http://www.gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=26519745
- OCSDnet: Open science Manifesto, https://ocsdnet.org/manifesto/open-science-manifesto/
- Sci-GaIA, 2016 : Dakar Declaration on open science in Africa, http://www.sci-gaia.eu/dakar-declaration/
- UNESCO, 2013: Principes directeurs pour le développement et la promotion du libre accès. https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000222085
- Wilkinson, M. D., Dumontier, M., Aalbersberg, I. J., Appleton, G., Axton, M., Baak, A., … & Bouwman, J. (2016). Comment: the FAIR guiding principles for scientific data management and stewardship. Scientific Data 3: 9. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4792175/
References