Activités de Knowledge Exchange | Partenaires pour améliorer le service à l’ESR
Par Serge Bauin (DIST-CNRS) et Jean-François Nominé (Inist-CNRS)
Date : 24 septembre 2020
Qu’est-ce que Knowledge Exchange ?
Knowledge Exchange (KE) réunit six organisations qui sont représentatives de l’activité de recherche dans leur pays. Leur objectif commun est d’examiner les problèmes de soutien à la recherche et de développement d’infrastructures et de services permettant l’utilisation des technologies numériques, de partager des solutions, de rechercher des approches sur les questions émergentes qui auront une influence concrète sur leurs activités, et de favoriser les échanges entre les membres de leurs différentes communautés nationales de recherche et d’enseignement supérieur.
Depuis quelques années, Knowledge Exchange s’est approprié la science ouverte en la dénommant « open scholarship » pour souligner l’inclusion des sciences humaines, notamment, auprès du public anglophone. Dans un contexte où la science ouverte est une priorité pour divers réseaux, initiatives et consortiums, Knowledge Exchange s’efforce d’approfondir des sujets d’intérêt commun et parfois de proposer des compléments d’analyse aux autres travaux de grande valeur et largement reconnus réalisés par des acteurs spécialisés, avec le regard d’organismes impliqués dans le soutien à la recherche.
Knowledge Exchange affiche une vocation prospective au profit de ses membres et du public intéressé par ses travaux. Ceux-ci et ses résultats se matérialisent par l’organisation d’enquêtes, de séminaires d’investigation réunissant des acteurs et qui sont diffusés sous forme de rapports. Ces derniers sont souvent assortis d’instruments potentiels comme des feuilles de route et des recommandations destinées à aider les acteurs dans leurs propres choix politiques. Ces actions sont prises en charge par des groupes de travail réunissant des experts appartenant à des institutions des six pays membres, voire au-delà. Cette association organise également des réunions d’information thématiques autour de sujets inspirés par l’actualité, notamment au rythme des agendas que des organisations internationales organisent autour des thèmes d’intérêts pour les acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur.
Les membres de ce partenariat sont :
- CNRS (France),
- CSC (Finlande),
- DEIC (Danemark),
- DFG (Allemagne),
- JISC (Royaume-Uni),
- SURF (Pays-Bas).
Réalisations récentes
Monographies en accès ouvert
Ayant identifié très tôt que les monographies risquaient d’être les parents pauvres de l’évolution vers le libre accès, KE a lancé une action exploratoire dès 2016. Celle-ci a conduit à des analyses graduées de la situation de ce secteur d’un point de vue de son économie propre, des points névralgiques pour son évolution, de ses usages et des facteurs politiques pouvant favoriser son évolution.
Les actions du groupe de travail ont été ponctuées par les résultats suivants :
- Octobre 2017 – Un état des lieux dans les six pays membres, ainsi que la Norvège et l’Autriche. Les politiques, financements et modèles opérationnels ont été systématiquement identifiés. Le rapport fait également apparaître les disparités entre pays, les premières percées sur le terrain, les zones d’ombre devant nécessiter un accroissement de connaissances sur ce secteur et ses enjeux :
A landscape study on open access and monographs – DOI : 10.5281/zenodo.815932
- Octobre 2018 – Une synthèse d’un questionnaire qui identifie les points de préoccupations sur le terrain pour assurer la viabilité de ce type de publication en libre accès. Les coûts de la publication, les BPC (pendant des APC), la nécessité de disposer de plateformes de diffusion de qualité, l’implication des auteurs, l’importance des sociétés savantes et des presses universitaires, etc. y sont mis en avant :
Knowledge Exchange Survey on Open Access Monographs – DOI : 10.5281/zenodo.1475446
- Novembre 2018 : Un Atelier rassemblant toutes les catégories d’acteurs impliqués dans la production de monographies en libre accès et à leur soutien où ont été réfléchies les modalités selon lesquelles les monographies pourraient solidement s’enraciner sous un format ouvert pour la diffusion des connaissances scientifiques
- Juin 2019 – Publication d’un rapport retraçant les présentations et échanges de l’atelier ci-dessus avec présentation d’éléments constitutifs pour une feuille de route en faveur des monographies en accès ouvert :
Towards a Roadmap for Open Access Monographs – DOI: 10.5281/zenodo.3238545
Cette série d’actions a été pionnière dans une prise de conscience internationale des enjeux autour de l’accès ouvert aux monographies savantes. Elle a enrichi des réflexions nationales et internationales, suscité l’intérêt de la Commission européenne. Elle a aussi nourri les réflexions de groupes et de projets en vue de constituer des collaborations infrastructurelles internationales dans ce domaine particulier et de préfigurer des politiques de cette échelle comme le Plan S.
Les prépublications
Les prépublications, ou preprints, deviennent un élément important dans les pratiques de publication de certaines communautés. Elles ont été mises sur le devant de scène au cours de la crise actuelle du coronavirus qui a nécessité une rapidité de circulation de l’information accrue.
- Septembre 2019 – Une fois encore, voilà une étude qui a permis de dresser un état des lieux d’un objet de communication qui reste amplement débattu tout en suscitant une énorme attention. Il fait l’objet de nombreuses expérimentations, devient un objet de valeur qui pourrait profondément modifier l’écosystème de la publication et transformer l’édition. Controversé, il reste un sujet d’observation des pratiques pour les temps qui viennent.
Accelerating scholarly communication – The transformative role of preprints – DOI : 10.5281/zenodo.3357727
L’économie de la science ouverte
L’ouverture n’est pas forcément aisément compatible avec l’économie de marché. Cette compatibilité n’est peut-être même pas souhaitable en raison du coût de la rente sur laquelle celle-ci fonctionne. Comment néanmoins avancer vers la viabilité sans essayer de mieux définir l’économie nécessaire ?
KE a pris en main deux axes d’étude :
1. Juin 2019 : Une étude de terrain interrogeant sur les services proposés par des initiatives aux horizons très différents sur leurs postulats, leurs modes de fonctionnement, leurs modèles ; économiques. Comment des pionniers ont-ils imaginé l’ouverture et projettent-ils une évolution durable ?
Insights into the Economy of Open Scholarship: A Collection of Interviews – DOI: 10.5281/zenodo.2840171
2. Octobre 2019 : Une réflexion conceptuelle sur ce que devrait être l’économie de la science ouverte pour sortir les communautés de la captivité d’acteurs marchands dominants tout en perpétuant des gages de qualité et de valeur pour une information scientifique fiable et intègre. Ou comment passer d’une économie de marché à celle de l’action collective ?
Open Scholarship and the need for collective action – DOI 10.5281/zenodo.3454688
Une traduction française de ces deux rapports est à paraître au cours du dernier trimestre de 2020.
Activités en cours
Petits éditeurs et transition vers l’accès ouvert
Un constat se dégage : les petits éditeurs ont un rôle important à jouer et si nous ne les protégeons pas, ils mourront, car tous les efforts et l’attention vont aux grands éditeurs, toutes les solutions et exigences (de transition) tendent à être orientées vers eux, ce qui rend de plus en plus difficile pour les petites structures d’exister ou de survivre.
Ce nouveau groupe de travail entame son exploration avec le questionnement suivant pour toile de fond : quels sont les besoins et les enjeux des petits éditeurs, quelles sont les différences entre les disciplines, les langues, etc., et, plus fondamentalement encore, pourquoi et comment leur importance s’exerce-t-elle pour l’ouverture de la science ? Quel vide laisseraient-ils s’ils en étaient écartés ?
L’étude va s’appuyer sur une étude de situation par pays et tenter de dégager des lignes générales communes porteuses de mécanismes de transition durable.
Ouverture et évaluation
L’activité de recherche est jugée en suivant des procédures établies depuis longtemps. Les changements que le numérique entraîne dans la pratique de la recherche ne sont pas ou très peu pris en compte dans les évaluations. Comment changer modalités d’évaluation et pratiques de communication des résultats en autorisant une juste et équitable reconnaissance ? Quels nouveaux comportements et rôles peuvent adopter les différents acteurs comme les chercheurs eux-mêmes, les institutions, les bailleurs de fonds ?
Toutes ces différentes pistes sont explorées en partant des solutions technologiques qui apparaissent et qui offrent de meilleures possibilités d’attribution des mérites aux chercheurs dans la production de nouvelles connaissances.
Publication de résultats de recherche reproductibles
Le lancement du plan S pour la mise en œuvre du libre accès a suscité un débat sur les méthodes et la rapidité du passage à un système de libre accès complet, comme la Commission européenne et de nombreux pays européens se sont engagés à le faire en 2020. L’objectif de ce groupe de travail est de suivre les stratégies et les plans de mise en œuvre dans les six pays partenaires, en mettant en évidence les bonnes pratiques et les leçons apprises pour contribuer à en accroître l’adoption. Les nouveaux modèles de publication, qui remettent en question les pratiques actuelles tout comme les modèles économiques, nécessitent également une vision plus large. Un travail de suivi et d’exploration des nouveaux développements doit être effectué.
L’objectif général du groupe de travail est donc d’étudier les pratiques et les obstacles à la publication de résultats de recherche reproductibles, et de déterminer comment les infrastructures (tant techniques que sociales) peuvent contribuer à assurer la viabilité des dispositifs qui les portent.
Futures activités
À partir de la fin 2020 et courant 2021, les thématiques suivantes devraient faire l’objet de nouveaux groupes de travail.
Identifiants pérennes
Cette activité naissante est en train de définir son périmètre pour faire ressortir leur valeur et leur importance cruciale dans les évolutions des nouveaux écosystèmes de la recherche et de la communication scientifique. La nécessité d’aborder les risques est reconnue (les acteurs commerciaux augmentent leur contrôle, les mécanismes de financement pour les fournisseurs d’identifiants cruciaux sont instables, etc.) et les mesures pour renforcer la confiance qu’ils impliquent lorsqu’on essaie de construire (et d’utiliser) une infrastructure d’identifiants pérennes qui fonctionne bien. Pour ce projet, KE projette une enquête sur la situation chez les partenaires de KE. KE mènera des études de cas de PID pour chacun de ses six pays membres, ce qui implique de documenter les systèmes d’identifiants et les cas d’utilisation, ainsi que les ambitions et les priorités au sein de chaque pays.
Principes FAIR et logiciels pour la reproductibilité de la recherche
Les publications, les données et les logiciels (le code) sont la clé de la recherche numérique et ne sont pas indépendants les uns des autres. KE souhaite étudier les besoins disciplinairement spécifiques pour que les résultats de la recherche puissent être reproductibles grâce à une forme d’intégration avec les données et les codes sources. Les mécanismes soutenant la reproductibilité de la recherche, par exemple le potentiel et le défi de l’application des principes FAIR en matière de données et des logiciels, dans toutes les phases du cycle de vie de la recherche, seront à explorer.
Pertinences des actions
Que ce soit vis-à-vis des questions liées à la communication scientifique, la pratique de la recherche ou les infrastructures sous-tendant la recherche, les activités de KE ne font pas que refléter les sujets d’intérêts de ses membres. Elles témoignent des débats et des interrogations de la communauté de la recherche dans son ensemble. Les échos qu’engendre sa production, notamment écrite, dans d’autres réflexions collectives ou institutionnelles signent une pertinence de cette approche collective qui fait ressortir des enjeux et des voies de solutions pour tous.
L’approche interculturelle permet aussi d’entretenir et de partager une culture concrète de l’intervention internationale.
Représentation française
Le CNRS est le partenaire français de Knowledge Exchange. L’ESR de notre pays est actuellement représenté par Sylvie Rousset directrice de l’information scientifique et technique du CNRS (DIST-CNRS) dans la gouvernance de KE, ainsi que par Serge Bauin (DIST-CNRS), Jean-François Nominé (Inist-CNRS), Emmanuelle Morlock (HiSoMA-CNRS), Pascal Aventurier (IRD), Pierre-Carl Langlais (Sciences Po), Jean-François Lutz (Université de Lorraine) et Didier Torny (CSI-CNRS).
Ils interviennent dans KE en tant qu’experts dans ses différents groupes de travail avec des homologues des autres pays ou en tant que représentants du CNRS dans cette association participant à son fonctionnement et la conduite de ses activités.