L'article présente le contexte d'émergence des accords "transformants", définit leurs caractéristiques principales et dresse un état des lieux des accords signés dans le monde. Il y est également question des risques associés et d'un retour d’expérience au Royaume-Uni. Il se termine par la présentation de deux exemples d’accords réellement « transformants ».

État des lieux sur les accords transformants – 31 mars 2020

Irini Paltani-Sargologos, DIST CNRS, 31 mars 2020

Soumis le : vendredi 17 avril 2020
Dernière modification le : mardi 28 avril 2020

 

Les accords dits « transformants », également appelés « négociations couplées abonnement / “APC” » (en anglais transformative arrangements, transformative agreements, journal agreements ou offsetting models) désignent un type particulier de négociation avec les éditeurs commerciaux.

1. Le constat de départ : des coûts non soutenables sur le long-terme

La notion d’accord « transformant » est née suite au constat suivant :

– d’une part, le prix des abonnements aux revues à accès payant [1]Dans la suite de cet article, les expressions « revues payantes », « revues à abonnement », « revues fermées » sont utilisés de manière équivalente et désignent toutes revues à lecture payante. est très onéreux. Ce prix représente en moyenne 3800€ par article selon le site internet de l’ESAC (Efficiency and standards for articles charges), consulté le 31 mars 2020.

– d’autre part, la publication en accès ouvert (AO) étant de plus en plus prisée par les chercheurs, on observe parallèlement une hausse des paiements pour publier en accès ouvert (via des frais de publication appelés « article processing charges » – “APC”[2] Pour approfondir, cf Jon Tennant, « Why the term « Article Processing Charge » (APC) is misleading », 22 avril 2018, qui explique que les APC ne couvrent pas nécessairement le coût lié à la publication de l’article. C’est la raison pour laquelle des guillemets ont été rajoutés à ce terme à chaque fois qu’il apparaît dans cette note.). Il est à noter que le paiement “d’APC” s’effectue soit à destination de revues en accès intégralement ouvert (i.e sans paiement d’abonnement), soit à destination de revues dites hybrides, qui constituent des revues à abonnement payant proposant aux auteurs la possibilité de publier leur article en accès ouvert. Dans une revue hybride, seuls les articles expressément publiés avec “APC” seront accessibles gratuitement; le reste de la revue sera soumis à abonnement. En revanche, suite à l’introduction des “APC”, une baisse des dépenses en abonnements aux revues hybrides n’a pas été substantiellement observée, malgré les “APC” dont ces revues bénéficient par ailleurs. Un double revenu alimente donc les éditeurs de revues hybrides (double-dipping).

Les ordres de grandeurs de l’accès payant et de l’accès ouvert sont inégaux: à ce jour, la majorité de la littérature scientifique mondiale est publiée dans des revues à accès payant ; d’après l’étude The state of OA datant de 2018 [3]Piwowar Heather, Priem Jason, Larivière Vincent, Alperin Juan Pablo, Matthias Lis, Norlander Bree, Farley Ashley, West Jevin, Haustein Stefanie, The state of OA: a large-scale analysis of the prevalence and impact of Open Access articles, 13 février 2018, https://peerj.com/articles/4375/, environ 45% de la littérature mondiale publiée en 2015 est disponible en accès ouvert. De plus, si l’on considère l’incitation de plus en plus fréquente pour que les chercheurs publient en accès ouvert, déposent dans des archives ouvertes ou dans des archives de preprint, la part de la publication en accès ouvert augmente dans le temps.

Il est enfin à noter que les abonnements aux revues payantes sont généralement négociés par les bibliothèques, tandis que les “APC” sont généralement payés par les laboratoires ou les institutions ou les contrats de recherche des chercheurs. Les acteurs qui négocient les abonnements aux revues payantes n’ont donc pas de vision sur les montants “d’APC” dont bénéficient les éditeurs. 2

Si l’on considère enfin que le nombre d’articles scientifiques publiés augmente d’année en année, tout porte à croire que le système actuel de l’édition scientifique atteindra rapidement des coûts non soutenables, à supposer que ce n’est pas déjà le cas.

 

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References[+]

Résumé

Sommaire

1. Le constat de départ : des coûts non soutenables sur le long-terme

2. Définition minimale des accords dits « transformants »

2.1. Dans un premier temps, coupler les dépenses “APC” & abonnements pour mieux les contrôler

2.2. Pour convertir ensuite les dépenses d’abonnements vers des dépenses dédiées à l’accès ouvert

3. Les conditions généralement posées dans les accords dits « transformants »

4. Au-delà de ces principes de base, les accords « transformants » sont variés

5. Où en est-on dans le monde sur les accords « transformants » ?

6. Qui les prône ?

7. La position des éditeurs commerciaux

8. Les inquiétudes soulevées par les accords « transformants »

8.1. Les accords « transformants » ne favorisent pas la diversité des modèles économiques de l’AO

8.2. Les AT entretiennent une crainte de la diminution de la qualité des publications

8.3. Une stabilité des dépenses difficilement atteignable

8.4. Des accords qui laissent craindre un amenuisement des leviers de négociation auprès des éditeurs

8.4.1. En premier lieu, les dépenses faites auprès des éditeurs ne seront portées que par les gros publiants, et non plus par les lecteurs dans leur ensemble
8.4.2. Des accords qui susciteront des tensions entre gros et petits publiants, entre gros et petits éditeurs
8.4.3. À terme, une position affaiblie face aux éditeurs

9. Retour d’expérience au Royaume-Uni : des accords aux résultats contrastés

9.1. Des tarifs de publication moins élevés

9.2. Des désavantages sont aussi clairement identifiés.

10. Deux exemples d’accords “réellement” transformants repérés dans le monde de l’édition scientifique

Annexe

Bibliographie