Trois exemples d’actions de formation, à Toulouse, Rennes et Bordeaux, autour de l'accès ouvert. Différentes formes sont utilisées : un micro-MOOC, des témoignages, une matinée d'étude, un guide et un book sprint. Un entretien avec les organisateurs complète la description des formations (cible, développements à venir, compétences à développer...).

Partageons la science ouverte – 2 | « Petites et grandes actions ! »

Valoriser, partager, former

 

Micro MOOC : saga à Toulouse…

« Êtes-vous prêts pour la saga « L’univers de l’open Access »…? Le compte @PubliUTCapitole vous plonge dans l’univers de l’#OpenAccess du 15 au 19 octobre ! »

C’était l’accroche du service des publications de l’université Toulouse Capitole. Au sein du service commun de la documentation (SCD – BU), le service des publications est chargé de l’archive ouverte de l’institution et de la promotion et la valorisation de l’open access.

Dans ce cadre le service a réalisé en octobre 2018, en lien avec l’open access week, un micro mooc à partir de son compte twitter. Comme fil rouge à cette semaine a été choisie la saga Star Wars.

L’objectif était de brosser l’ensemble des éléments autour des questions d’open access : cadre juridique, institutionnel, questions de droit d’auteur, accompagnement technique dans l’usage de l’archive.  L’idée n’était pas de créer des ressources propres pour l’évènement mais de réutiliser des ressources existantes (les leurs ou d’autres disponibles sur le net).

À travers ce compte twitter, le service continue à diffuser de l’information concernant l’archive ouverte et l’Open Access.

Science ouverte à l’Ouest…

Le réseau Formadoct, collectif de professionnels de l’Information Scientifique et Technique (SCD, bibliothèques d’Ecoles et URFIST de Rennes), acteur important de la formation des doctorants à l’IST dans les établissements d’enseignement supérieur de Bretagne et des Pays de la Loire, est particulièrement engagé sur la question de l’open access.

Le Réseau Formadoct a ainsi répondu en juillet 2016 à l’appel à projets lancé par le consortium Couperin pour l’organisation d’événements autour de l’open access.

L’opération « Science Ouverte à l’Ouest » s’est déroulée entre octobre 2016 et juin 2017. L’objectif était de contribuer à sensibiliser les jeunes chercheurs aux opportunités liées à la communication scientifique directe, de promouvoir l’open access au sein de l’UBL, et ce faisant de questionner les freins potentiels à l’open access et débattre de la prise en compte de l’open access dans l’évaluation des chercheurs.

Une série de rendez-vous ont été organisés, avec différentes formes et différents objectifs, parmi lesquels :

  • « Parole aux chercheurs » : réalisation et diffusion d’interviews filmées de chercheurs, leur permettant de témoigner de leur représentation des avantages et contraintes de l’open access. Ces entretiens ont donné lieu à l’élaboration de treize capsules vidéo d’une durée de trois à cinq minutes.
  • « Dialoguer et débattre » : programmation d’une matinée d’étude en partenariat avec Couperin incluant conférence (Bernard Rentier, ancien recteur de l’Université de Liège) et table ronde sur les conditions de transition vers un open access par défaut. Option entre gold et green open access, modalités du passage d’une revue en gold open access, positionnement d’un éditeur par rapport à l’open access, volonté politique des établissements et rapport au juridique, poids des procédures d’évaluation dans la promotion du libre accès, apport de la loi pour une République numérique, autant de sujets abordés. La page Sciencesconf de l’événement permet notamment de retrouver les enregistrements vidéos de la conférence et de la table ronde.
  • « Essaimer » : édition d’un guide en ligne qui fait le bilan de cette opération en reprenant les principaux points forts et difficultés générées. Ce guide met également en ligne les documents produits et utilisés, ainsi que le budget de l’opération. Il s’adresse aux bibliothécaires, mais aussi à tous les professionnels impliqués dans la promotion de l’open access.

Book Sprint : ça fuse à Bordeaux…

 « Vers une recherche reproductible. Faire évoluer ses pratiques. » Comment est né ce book sprint en 2019 ? 

(1 thème imparti + des chercheurs de disciplines variées, experts du sujet + 1 facilitateur) + 1 table des matières ex nihilo X 3 jours de travail intensif + de la motivation = 1 book sprint !

Il s’agit d’une pratique d’écriture collaborative, pas seulement collective, entre participants aux compétences diversifiées. Tout est écrit durant le sprint. La postproduction en revanche peut nécessiter plusieurs semaines de travail une fois le sprint passé. Sur une durée de 3 à 5 jours, le travail est effectué sous la houlette d’un facilitateur, dont le rôle est d’organiser les échanges.

L’objectif du book sprint de l’Urfist de Bordeaux était d’aboutir à un document à forte visée pratique conçu par des chercheurs pour des chercheurs. La littérature sur la reproductibilité de la recherche est abondante, voire pléthorique. Dans ce contexte, quelle pouvait être la plus-value du futur livrable ?

  • La richesse même de la littérature sur le sujet peut décourager.
  • La veille sur le sujet est complexifiée par l’éclatement de la littérature dans des silos : disciplinaires (c.-d revues, littérature grise disciplinaire) comme techniques (c.-d approche par langage informatique, par type d’outils).
  • Il y a peu de littérature en français.
  • Il existe un risque de considérer ces problématiques comme déconnectées du cadre quotidien car trop difficiles à mettre en œuvre.

⇒ « Vers une recherche reproductible ». Voir le fichier en accès libre via HAL ou le format EPUB.

Plus d’informations :

  • Toulouse : Marie-Françoise Brémond – marie-francoise.bremond@ut-capitole.fr
  • Formadoct : Marie-Laure Malingre – marie-laure.malingre@univ-rennes2.fr
  • Bordeaux : Sabrina Granger – sabrina.granger@u-bordeaux.fr

 


Questions croisées à Marie-Françoise Brémond, Marie-Laure Malingre et Sabrina Granger

 

1/ Savez-vous qui sont principalement les personnes qui consultent les ressources (twitter, capsules, sites, book sprint) que vous avez mises en ligne ? 

Marie-Françoise Brémond : Les enseignants-chercheurs, les doctorants abonnés à notre compte Twitter, ainsi que des établissements institutionnels.

Marie-Laure Malingre : Les principaux publics à consulter les ressources et services accessibles sur la plateforme Formadoct sont d’une part les doctorants, cible première du dispositif et d’autre part les personnels formateurs des bibliothèques. Par ailleurs, d’une manière générale, les quelques analyses menées sur le référencement des ressources de Formadoct montrent que les signalements proviennent majoritairement des bibliothèques, réseaux de bibliothèques et professionnels de l’IST, des Ecoles doctorales, des unités ou organismes de recherche, enfin de certains acteurs spécialisés dans la formation ou la veille.

Sabrina Granger : Difficile à dire, d’autant plus que même du point de vue quantitatif, je n’ai qu’une vue partielle : j’ai les infos de consultation de HAL, mais pas de GitHub car le livre est visible via 2 interfaces. En revanche, je peux plus parler des retours directs.

 

2/ Avez-vous des retours directs des usagers sur ces ressources ? Est-ce qu’ils interagissent avec vous ? 

Marie-Françoise : Concernant notre compte Twitter « Toulouse Capitole Publications » nous recensons 269 abonnés qui suivent nos publications et les relayent le cas échéant. Des interactions régulières sont à noter : tweets et re-tweets, « j’aime ».

Marie-Laure : Les retours que nous pouvons avoir sur l’utilisation des ressources sont de différents types. Il peut s’agir de retours spontanés, venant souvent des acteurs de la documentation (bibliothèques, centres de documentation), via des demandes sur la possibilité d’exploiter et de réutiliser les ressources dans leurs contextes spécifiques de formation. Par ailleurs, certains dispositifs ont été mis en place au sein de Formadoct pour permettre une interaction : possibilité de poser des questions via une FAQ sur la plateforme elle-même, tests utilisateurs mis en place avec des doctorants, « cafés formadoct » intégrés à la formation doctorale et qui constituent des espaces d’échange conviviaux. Enfin, il faut noter l’élaboration en cours de deux enquêtes, l’une à destination des doctorants, la seconde en direction des formateurs en bibliothèques sur leurs usages des ressources. 

Sabrina : Oui, nous avons eu des retours des publics cibles de l’ouvrage : des doctorants de toutes disciplines, des chercheurs et des ingénieurs. Grâce à la diversité des profils institutionnels (universités, CNRS, Inria, Inserm, une école nationale) et disciplinaires des auteurs, la communauté des lecteurs est elle aussi bien plus large que le périmètre régional de l’Urfist de Bordeaux.
Comme le livre est aussi conçu pour accueillir des propositions de contenus, nous avons pu collecter des propositions via le système des « Issues » de GitHub. C’est un point qui était prévu dès le début du projet : nous voulions que d’autres puissent faire des propositions. Et lorsque nous considérerons qu’il ne s’agit plus de montées de version mais bien d’une mise à jour, nous procèderons à un nouveau dépôt dans HAL. Il n’y a pas de premier auteur car cette notion n’a pas cours pour un projet collaboratif de cette nature, mais il y a un corresponding author qui traite les propositions de contenus. Le processus de validation des propositions de contenus reste collégial. C’est aussi un point majeur de la méthode.
Au-delà de ces retours, le livre a aussi permis de fédérer de manière informelle des chercheurs sur ces questions. Au sein de l’équipe des auteurs, les collaborations se sont poursuivies. Le booksprint peut être considéré comme un projet « petit » par sa nature circonstanciée et le budget alloué, mais son impact se traduit bien sur la longue durée. Un cercle vertueux est amorcé grâce à ce projet.

 

3/ Envisagez-vous d’autres développements de vos actions à l’avenir ? 

Marie-Françoise : Créer un rendez-vous récurrent autour de l’Open access en s’appuyant sur les doctorants (café-jeu type « Jeu Fastoche HAL).

Marie-Laure : Le réseau continuera à promouvoir le libre accès et la science ouverte en explorant diverses modalités d’action possibles, notamment : « Open Tours » dans les laboratoires, interviews des acteurs de l’Open Access, enrichissement de la plateforme avec de nouvelles ressources dédiées, jeux sérieux, action de promotion de l’Open Access pour les juristes (en lien avec le « prix Open Thèses » d’Open Law), « dépôt party » (HALathon). Le réseau Formadoct est actuellement engagé dans la conception d’un Escape Game sur le libre accès à destination des doctorants. Ce projet a reçu le soutien du consortium Couperin dans le cadre de son appel à projets science ouverte de 2019.

Sabrina : Oui, et le sujet est si vaste qu’il y a encore beaucoup à faire. Les collaborations entre membres de l’équipe des auteurs se poursuivent déjà autour d’autres projets. Et oui, j’ai des idées pour continuer de faire évoluer l’ouvrage. Les pistes sont nombreuses.
Outre une connaissance approfondie du sujet grâce à ces collaborations avec les chercheurs, je dirais aussi que ce projet m’a permis de me familiariser avec un ensemble de méthodes que je vais utiliser dans d’autres actions.

 

4/ Quelle(s) compétence(s) vous semble(nt) prioritaire(s) à développer dans un futur proche ?

 Marie-Françoise : Développer la connaissance de l’édition scientifique publique nationale (réseau Medici, Mir@bel) pour valoriser les publications en open access.

 Marie-Laure : Il semble que le chantier qui s’engage autour de la gestion des données de la recherche soit l’un des axes de développement structurants de la science ouverte, pour lequel de nouvelles compétences et une évolution des métiers sont nécessaires, aussi bien du côté des chercheurs que du côté des professionnels de l’IST. Il sera vraisemblablement important de faire porter l’effort sur une acculturation de cette problématique et sur l’accompagnement des pratiques concernant l’acquisition, l’organisation, la description et le traitement, le stockage et l’archivage, la diffusion et enfin le partage des données.

 Sabrina : Outre les sujets « techniques » (outils, évolutions éditoriales, politiques, etc.) qui émergent ou connaissent une nouvelle vie sous l’impulsion de la science ouverte, je suis convaincue que les questions « culturelles » jouent un rôle essentiel pour apprendre à nouer des collaborations fructueuses entre différents métiers : ex. quelles sont les valeurs du groupe ? Quels peuvent être leurs leviers de motivation ? Comment des experts de haut vol interagissent-ils ? Cela peut sembler secondaire ou trop lointain comme objectif, mais c’est tout aussi important que de développer une meilleure connaissance des techniques. L’attention se focalise beaucoup sur les « hard skills » et les enjeux sont majeurs. Mais on peut aussi constater que le paradigme de la science ouverte induit pour les chercheurs un changement de culture professionnelle. Or, pour parler la même langue, les bibliothécaires ont aussi besoin d’appréhender ces évolutions. Heureusement, il existe une littérature riche sur laquelle nous pouvons nous appuyer en plus de nos connaissances apportées par l’expérience.
La capacité à fédérer des acteurs issus de différents horizons autour de projets constitue par exemple un enjeu majeur à l’heure où les expertises doivent nécessairement se croiser pour analyser des données de plus en plus complexes à traiter. Cela peut sembler naïf ou éthéré, mais dans le domaine des services aux chercheurs, je dirais qu’une gestion de projet réussie devrait intégrer une étude des leviers de motivation des acteurs impliqués aux différentes étapes. Conduire efficacement un projet, c’est bien, mais ne serait-il pas aussi possible de faire de ce projet un cadre suscitant de l’enthousiasme ? Le degré d’adhésion au projet proposé joue un rôle fondamental dans l’impact qu’il peut avoir ensuite et le résultat obtenu, la pérennité des liens créés.
La capacité à diversifier son périmètre d’expertise est aussi cruciale. Mais il peut être difficile d’une part, d’identifier ces nouveaux domaines si on développe son activité uniquement en fonction d’un cadre analytique et d’autre part, il faut aussi trouver le juste équilibre entre la diversification de l’expertise et la tentation d’essayer de changer complètement de métier. Mais cette recomposition des identités professionnelles ne concerne pas que les professionnels de l’information scientifique. Les chercheurs sont aussi concernés, car le panel de compétences à maîtriser pour rester opérationnel dans son domaine s’est considérablement élargi.

 

5/ Selon vous, au-delà d’actions « événementielles » de type OA Week, journées d’étude, opérations spéciales, book sprint, etc. comment durablement promouvoir, ouvrir et libérer la science ?

 Marie-Françoise : Proposition de rédaction d’une charte de l’open access au niveau de l’université, renforcement de la présence des enseignants-chercheurs dans le comité de pilotage de l’archive ouverte institutionnelle, interventions plus nombreuses du service des publications dans les différentes instances universitaires : assemblée générale des laboratoires de recherche par exemple.

 Marie-Laure : L’instauration d’une pratique réelle d’ouverture de la science passe d’abord par une concertation pérenne avec les chercheurs, supposant une attitude proactive dans la durée, seule capable de développer une véritable sensibilisation. Elle requiert aussi des échanges approfondis avec les services de la recherche et les directions des établissements, pour convaincre de la nécessité du dépôt en archive ouverte et promouvoir des revues en Open Access qui ont de bonnes pratiques. Ce travail de conviction constitue certainement un atout non négligeable pour la mise en place d’une politique structurée des établissements en faveur de la science ouverte.

 Sabrina : Question difficile. Ces projets devraient être conçus comme des catalyseurs : certes, ils sont limités dans le temps et n’ont pas tous vocation à être récurrents, mais par leur impact et les collaborations qu’ils peuvent permettre de nouer, ces projets sont essentiels pour promouvoir les compétences des bibliothécaires auprès des publics de recherche et trouver des manières de collaborer autour de la science ouverte. Il faut distinguer le périmètre d’un projet et son impact possible. Même avec des moyens limités, il est possible de mettre en œuvre des projets à impact majeur.