Plan national pour la Science Ouverte
La science ouverte est la diffusion sans entrave des publications et des données de la recherche. Elle s’appuie sur l’opportunité que représente la mutation numérique pour développer l’accès ouvert aux publications et – autant que possible – aux données de la recherche.
La science ouverte vise à construire un écosystème dans lequel la science est plus cumulative, plus fortement étayée par des données, plus transparente, plus rapide et d’accès plus universel.
La science ouverte induit une démocratisation de l’accès aux savoirs, utile à la recherche, à la formation, à l’économie, à la société.
La science ouverte a pour objectif de faire sortir la recherche financée sur fonds publics du cadre confiné des bases de données fermées. Elle réduit les efforts dupliqués dans la collecte, la création, le transfert et la réutilisation du matériel scientifique. Elle augmente ainsi l’efficacité de la recherche.
La science ouverte favorise également les avancées scientifiques, particulièrement les avancées imprévues, ainsi que l’innovation, les progrès économiques et sociaux, en France, dans les pays développés et dans les pays en développement.
Enfin, la science ouverte constitue un levier pour l’intégrité scientifique et favorise la confiance des citoyens dans la science. Elle constitue un progrès scientifique et un progrès de société.
Avec ce Plan, la France se dote d’une politique pour la science ouverte ambitieuse, qui s’inscrit pleinement dans les engagements internationaux qu’elle a pris au titre du Partenariat pour un gouvernement ouvert (OGP – Open government partnership), initiative associant 70 pays et visant à développer la transparence de l’action publique.
Ce plan national répond également à l’ambition européenne de l’Amsterdam Call for Action on Open Science. La France se dote ainsi d’une politique qui prolonge et amplifie les efforts de l’Union européenne dans ce domaine.
« La France s’engage pour que les résultats de la recherche scientifique soient ouverts à tous, chercheurs, entreprises et citoyens, sans entrave, sans délai, sans paiement. »
PREMIER AXE : GÉNÉRALISER L’ACCÈS OUVERT AUX PUBLICATIONS
L’ouverture des publications scientifiques doit devenir la pratique par défaut aussi vite que possible. Pour engager cette dynamique, les publications issues de recherches financées au moyen d’appels à projets sur fonds publics seront obligatoirement mises à disposition en accès ouvert, que ce soit par la publication dans des revues ou ouvrages nativement en accès ouvert, soit par dépôt dans une archive ouverte publique comme HAL.
Inscrire ces pratiques dans la durée nécessite de faire évoluer le système d’évaluation des chercheurs et des établissements en phase avec les principes et les pratiques de la science ouverte. Cette évolution de l’évaluation des chercheurs visera à réduire la dimension quantitative au profit d’une évaluation plus qualitative, dans l’esprit de la San Francisco Declaration on Research Assessment (DORA) ainsi que du Manifeste de Leiden pour la mesure de la recherche, et en s’appuyant notamment sur les citations ouvertes, dans la continuité des efforts de l’Initiative for Open Citations (I4OC).
D’une façon générale, la communauté scientifique doit reprendre le contrôle du système éditorial, dans l’esprit de l’Appel de Jussieu pour la science ouverte et la bibliodiversité. Elle doit faire converger ses efforts vers les acteurs vertueux qui développent un environnement éditorial moins concentré, obéissant aux principes d’un accès ouvert et éthique, notamment en termes de transparence, de gouvernance et de propriété intellectuelle.
Pour renforcer cet effort, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation créera un fond dédié qui investira dans une édition ouverte restant sous le contrôle de la communauté scientifique, en France et à l’étranger. Ce fond coordonnera le transfert d’une partie des dépenses documentaires historiques vers la science ouverte. La France pourra notamment en tirer parti pour reprendre l’initiative dans le secteur de l’édition scientifique et développer des innovations éditoriales permises par le nouveau contexte numérique : preprints, formes courtes, articles de données, évaluation ouverte par les pairs… Le plan soutiendra notamment le développement de l’édition scientifique française à travers un plan d’accompagnement pour les livres en accès ouvert.
Par ailleurs, le rôle central de l’archive ouverte HAL sera confirmé, dans le cadre de la nouvelle convention renforçant ses missions nationales. L’archive nationale sera améliorée du point de vue ergonomique et fonctionnel pour en simplifier l’appropriation par les chercheurs et par les institutions qui voudront s’appuyer sur elle.
Enfin, la France recommandera l’adoption de licences ouvertes pour les publications et les données, à la fois compatibles avec la loi française et avec les pratiques scientifiques internationales.
MESURES
1. Rendre obligatoire la publication en accès ouvert des articles et livres issus de recherches financées par appel d’offres sur fonds publics.
2. Créer un fonds pour la science ouverte.
3. Soutenir l’archive ouverte nationale HAL et simplifier le dépôt par les chercheurs qui publient en accès ouvert sur d’autres plateformes dans le monde.
Reconnaître la science ouverte
- Reconnaître la science ouverte dans les évaluations des chercheurs et des établissements.
- Réduire l’emprise de l’évaluation quantitative au profit de l’évaluation qualitative.
- Encourager l’adoption des citations ouvertes (Initiative for Open Citations – I4OC) à la place de citations dans des environnements propriétaires.
Construire la bibliodiversité
- Explorer les nouveaux modèles économiques pour les revues comme pour les livres en accès ouvert.
- Dynamiser nos presses universitaires et notre secteur éditorial qui feront le choix de l’accès ouvert.
- En cas de frais de publication, les réserver aux publications entièrement en accès ouvert.
Piloter la science ouverte
- Mettre en place un baromètre de la science ouverte en France
DEUXIÈME AXE : STRUCTURER ET OUVRIR LES DONNÉES DE LA RECHERCHE
Notre ambition est de faire en sorte que les données produites par la recherche publique française soient progressivement structurées en conformité avec les principes FAIR (Facile à trouver, Accessible, Interopérable, Réutilisable), préservées et, quand cela est possible, ouvertes. Lors de l’annonce du plan « Intelligence artificielle » au Collège de France, le 29 mars 2018, le Président de la République a annoncé la mise en place d’un principe d’ouverture par défaut pour toutes les données publiées dans le cadre d’appels à projet sur fonds publics. Cette obligation sera limitée par les exceptions légitimes encadrées par la loi, par exemple en ce qui concerne le secret professionnel, les secrets industriels et commerciaux, les données personnelles ou les contenus protégés par le droit d’auteur. Elle sera par ailleurs encadrée par les bonnes pratiques définies par chaque communauté scientifique, par exemple pour définir des durées d’embargo.
D’autre part, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation se dotera d’un administrateur des données de la recherche. Il travaillera avec l’administrateur général des données de la France et animera un réseau des administrateurs de données de la recherche dans les établissements concernés. Un appel « flash » de l’ANR permettra d’accélérer la structuration de la communauté scientifique afin de promouvoir les principes « FAIR » et de développer l’ouverture des données. D’une façon générale, les dépenses de traitement des données seront éligibles dans les appels à projets.
Les chercheurs seront invités à déposer les données dans des entrepôts de données certifiés, dont la gouvernance et les règles de propriété intellectuelle seront conformes aux bonnes pratiques. À ce titre, les infrastructures nationales et européennes de recherche seront privilégiées, notamment via des centres de données thématiques et disciplinaires. Les plans de gestion des données, instrument de définition des règles de construction, conservation et diffusion des données, seront généralisés. Un prix des données de la recherche sera mis en place afin de mettre en valeur et récompenser les équipes qui réalisent un travail exemplaire dans ce domaine.
La France apportera son soutien à la Research Data Alliance (RDA), réseau international définissant les bonnes pratiques dans le domaine des données de la recherche. Elle soutiendra aussi le développement et la conservation des logiciels, support indissociable des connaissances techniques et scientifiques de l’humanité tout entière. Dans cette optique, elle apportera son soutien à Software heritage.
Dans le cadre du soutien public aux revues, la France recommandera l’adoption d’une politique de données ouvertes associées aux articles et le développement des data papers. Une politique similaire concernant les thèses sera également mise en place.
MESURES
4. Rendre obligatoire la diffusion ouverte des données de recherche issues de programmes financés par appels à projets sur fonds publics.
5. Créer la fonction d’administrateur des données et le réseau associé au sein des établissements.
6. Créer les conditions et promouvoir l’adoption d’une politique de données ouvertes associées aux articles publiés par les chercheurs.
Accélérer
- Proposer un appel ANR Flash destiné à accélérer l’adoption des principes FAIR et l’ouverture des données de la recherche en France.
- Créer un prix des données de la recherche récompensant les équipes et projets exemplaires dans ce domaine.
Coordonner
- Construire autour de l’administrateur des données un réseau de correspondants dans les établissements, pour répondre aux questions que se posent les chercheurs sur les données de la recherche.
- Dans le cadre du soutien public aux revues, recommander l’adoption d’une politique de données ouvertes associées aux articles, le développement des articles de données et des revues de données.
Structurer
- Généraliser la mise en place de plans de gestion des données dans les appels à projets de recherche
- Développer des centres de données thématiques et disciplinaires.
- Développer un service générique d’accueil et de diffusion des données simples.
- Engager un processus de certification des infrastructures de données.
TROISIÈME AXE : S’INSCRIRE DANS UNE DYNAMIQUE DURABLE, EUROPÉENNE ET INTERNATIONALE
Le succès de la science ouverte implique le développement de nouvelles pratiques quotidiennes pour les chercheurs. Cela nécessite la définition de nouvelles compétences, le développement de nouvelles formations et l’adoption de nouveaux services. Le Comité pour la science ouverte, qui rassemble plus de 200 experts du domaine, travaillera à la définition des nouvelles compétences nécessaires. Les premiers efforts seront réalisés à destination des écoles doctorales, qui constitue le bon niveau et le bon moment dans le parcours du chercheur pour mettre en place des formations adaptées. Un label « science ouverte » sera décerné aux écoles doctorales qui proposeront une offre de formation adaptée aux objectifs décrits dans ce Plan. Par ailleurs, afin de développer une offre de formation dédiée aux compétences sur les données ainsi qu’à celles de la science ouverte en général, un appel à manifestation d’intérêt financera des propositions et expérimentations sur ces thèmes.
Afin d’amplifier le plan et de le déployer sur le territoire, tous les opérateurs de la recherche sont invités à développer une politique de science ouverte en leur sein.
L’évolution de l’écosystème de la science ne sera pas possible sans transparence : il est donc important d’ouvrir les jeux de données concernant les financements des appels à projets et leurs lauréats, mais aussi les dépenses d’acquisition des revues et de livres par les établissements.
La science ouverte est un mouvement mondial qui, bien qu’il dispose de caractéristiques régionales, ne pourra se développer que dans le cadre d’une forte coordination internationale. La France souhaite y prendre sa part en défendant l’idée d’un écosystème efficace, régulé, transparent et résilient, se plaçant au service de la communauté scientifique et de la société. Elle contribuera à la structuration de ce paysage international, dans le domaine des services, des standards et des bonnes pratiques, à la fois à travers un renforcement de sa participation dans les infrastructures européennes et internationales de la science ouverte : l’EOSC (European open science cloud), GO FAIR, dont elle animera le bureau international situé à Paris, RDA (Research data alliance), OpenAIRE, le DOAJ (Directory of open access journals), OPERAS et d’autres réseaux ou services similaires susceptibles de structurer le paysage en dépassant les logiques nationales, comme SCOSS. En particulier, elle a décidé de créer la fondation franco-néerlandaise Directory of open access books (DOAB), afin de mettre au point une certification internationale de la qualité des ouvrages scientifiques en accès ouvert. De même, elle contribuera à l’échange d’informations et à la coordination des négociations internationales avec les éditeurs, qui seront facilitées par les efforts de transparence des dépenses. Enfin, elle participera à la définition et à la régulation des briques de base de l’écosystème de la science ouverte, comme Crossref et DataCite pour les DOI ou ORCID pour les identifiants de chercheurs.
MESURES
7. Développer les compétences en matière de science ouverte notamment au sein des écoles doctorales.
8. Engager les opérateurs de la recherche à se doter d’une politique de science ouverte.
9. Contribuer activement à la structuration européenne au sein du European Open Science Cloud et par la participation à GO FAIR.
Généraliser les compétences de la science ouverte
- Communiquer auprès des communautés scientifiques sur les implications de la loi numérique relatives à l’ouverture des publications et des données.
- Créer un label « science ouverte » pour les écoles doctorales.
- Développer les compétences sur les données de la recherche, notamment à travers des offres de formation en ligne à destination de la communauté scientifique.
Participer à l’échelle européenne et internationale au paysage de la science ouverte
- Créer un Comité pour la science ouverte regroupant les experts du domaine et qui traitera des publications, des données de la recherche, des compétences et de l’articulation avec l’Europe et l’échelle internationale. Il sera chargé de proposer une mise à jour du plan dans deux ans.
- Adhérer au niveau national à ORCID, système d’identification unique des chercheurs qui permet de connaitre plus simplement et sûrement les contributions scientifiques d’un chercheur.
- Créer la Fondation franco-néerlandaise DOAB (Directory of open access books).
- Contribuer aux infrastructures de la science ouverte comme le DOAJ, OpenAIRE, SCOSS, OPERAS, Crossref et DataCite.
- Coordonner les négociations avec les éditeurs à l’échelle internationale.
Participer à la transparence dans le cadre de l’open government partnership (OGP)
- Ouvrir les données du financement de la recherche en constituant des jeux de données publiques concernant
- les dépenses relatives aux acquisitions électroniques dans les bibliothèques universitaires et par les organismes de recherche,
- les dépenses relatives aux frais de publications d’articles et de livres
- les financements de recherche sur appel à projets et leurs bénéficiaires.
- Enrichir scanR, moteur de la recherche et de l’innovation et Isidore, plateforme de recherche permettant l’accès aux données numériques des sciences humaines et sociales (SHS), et développer leur notoriété ainsi que leur usage afin d’alimenter le débat public autour des résultats de la recherche.